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Le Parisien parle de Qanon

J’ai répondu à quelques questions envoyées par le reporter Benjamin Jérôme de Le Parisien. Sur la dizaines, deux réponses ont été retenues (et raccourcies parce que l’espace était limité, mais pas sorties de leur contextes alors tout est ok). Sommes toutes, c’est un reportage aux couleurs habituelles sur Q, mais avec une focalisation sur Marjorie Taylor Greene. (Avec Le Monde et VICE France, c’est le 3ème article où Léo (des DéQodeurs) et/ou moi sommes mentionnés.)

J’ai ajouté des correction sous son texte plus bas (avant les photos).

 

Donc voici l’article.

QAnon, le mauvais rêve américain

Ce mouvement complotiste s’est invité dans l’élection présidentielle. Toutes les théories les plus farfelues s’y côtoient. Et des millions de personnes y croient.

PAR BENJAMIN JÉRÔME.

Page 26, explications des photos: Elue le 3 novembre en Géorgie à la Chambre des
représentants, Marjorie Taylor Greene (2) a relayé des théories de QAnon entre 2017 et 2019. Dans son clip de campagne, elle se balade en 4 x 4 et tire au fusil à lunette tout en s’affirmant pro-Trump et anti-immigration. Peu à peu écartés des réseaux sociaux, des militants ont monté le site QAnon.app (1) pour continuer à propager leurs messages. Parmi les supporteurs de Trump durant la campagne, nombreux affichaient leur croyance en « Q » (3 et 4).

Dans son clip de campagne, Marjorie Taylor Greene empoigne un impressionnant fusil surmonté d’une lunette de visée. Juchée à l’arrière d’un pick-up, cette candidate au Congrès américain pulvérise des cibles représentant tout ce qu’elle entend combattre : le contrôle des armes, évidemment, mais aussi la « frontière ouverte » qui facilite l’immigration, la politique en faveur du climat et le « socialisme » supposé du clan démocrate. Elle pourra désormais défendre ce programme à la Chambre des représentants. En lice pour les Républicains en Géorgie, Marjorie Taylor Greene fait partie des parlementaires élus le 3 novembre dernier.

Cette femme de 46 ans, qui fréquente les églises comme les salles de musculation et dirige une entreprise de construction, est une ultraconservatrice décomplexée. Elle se définit comme « pro-vie, pro-armes, pro-Dieu ». Mais si elle fait autant parler d’elle, c’est parce que son élection marque l’entrée au Congrès de thèses conspirationnistes en plein essor aux Etats-Unis : celles des « QAnon ». Dans une vidéo diffusée sur Facebook en 2017, cette mère de trois enfants raconte que son pays est la proie d’une « cabale mondiale de pédophiles satanistes » qu’il faut « éliminer ». « Je pense que nous avons le président qu’il faut pour cela », ajoute-t-elle en parlant de Donald Trump.

De nombreux politiques épouseraient ces théories

Le site américain Politico a exhumé plusieurs vidéos diffusées entre 2017 et 2019 sur les réseaux sociaux, dans lesquelles cette blonde souriante évoque avec enthousiasme les
QAnon et tient nombre de propos dérangeants. Elle traite le milliardaire George Soros de « nazi ». Elle dénonce « une invasion islamique » du gouvernement après l’élection en 2018 de deux musulmanes à la Chambre des représentants. Elle plaint aussi les hommes blancs, « le groupe le plus maltraité aujourd’hui aux Etats-Unis »… Durant les dernières semaines de
sa campagne, qu’elle a menée sans masque, Marjorie Taylor Greene a assuré qu’elle n’était pas une candidate QAnon, mais n’a pas renié pour autant ses prises de position.

Comme elle, au moins deux douzaines de prétendants au Congrès, selon les médias américains, épouseraient les théories QAnon, sans jamais s’en revendiquer. En réalité, tout au long de cette année électorale, cette mouvance n’a cessé de gagner en visibilité. Lors des meetings de Donald Trump, des supporteurs brandissaient des « Q » en carton ou arboraient des tee-shirts frappés d’un des credo du mouvement : « Where we go one, we go all » (« Où l’un de nous va, nous allons tous »). Début septembre, un sondage indiquait que près de la moitié des Américains avaient entendu parler de QAnon, contre un quart en mars. Invité surprise dans la campagne, ce mouvement n’a pourtant que trois ans d’existence. Ses débuts se passent sur 4chan, un forum Internet anglophone, connu pour sa liberté de parole et ses dérapages fréquents.

Le 28 octobre 2017, le compte anonyme « Q Clearance Patriot » poste ce qui ressemble à une blague : Hillary Clinton sera arrêtée dans les quarante- huit heures. La lettre « Q » fait référence à l’autorisation Q, la plus haute habilitation secret- défense aux Etats-Unis. Evidemment, rien de tel ne se produit, mais la machine est lancée. Les messages complotistes – des « drops » – se multiplient et sont repris jusque sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Des sympathisants créent des sites spécialisés, comme Qalert.app, pour agréger les messages et faciliter leur propagation.

Un complotisme participatif

Dans ses drops, aujourd’hui près de 5 000, Q assure qu’il existe un Etat dans l’Etat, « l’Etat profond » (deep state), qui rassemblerait les grands représentants démocrates, une partie du show-business (l’acteur Tom Hanks, l’animatrice Oprah Winfrey…) (NOTE 1, voir plus bas), des financiers (George Soros, la famille Rothschild…) et des figures planétaires (le pape François, le dalaï-lama…). Tous seraient impliqués dans un vaste trafic d’enfants et maniganceraient pour s’approprier le pouvoir. Heureusement, Donald Trump serait mandaté par des militaires pour sauver les Etats-Unis. Les fidèles de QAnon attendent « The Great Awakening », « Le Grand Réveil », qui révélera ce complot et enverra les criminels à Guantanamo. Q, lui, serait un patriote haut placé chargé d’alerter la population. Mauvaise blague ? Scénario de série Z ? Hélas, non.

Les théories QAnon, contraction de Q et Anon, pour anonymous (« anonyme »), séduisent un nombre croissant de personnes à travers le monde. « On va croire à Q parce que son message correspond à des préjugés, analyse Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l’université de Paris et collaborateur de l’Observatoire du conspirationnisme. Si l’on a un a priori négatif sur toute parole d’expertise et d’autorité, c’est l’affect qui dirige la raison. Cette idée de complot des élites mondiales est absorbable par quiconque est persuadé que les médias et les politiques mentent. »

Loin d’être limpides, les messages forment un improbable imbroglio de photos, de photo- montages, de liens vers des vidéos et des articles de presse, de longues déclarations et de courts textes hachés, rédigés comme des notes d’espion. Tout est crypté, bourré d’allusions nébuleuses et de questions sans réponses. Q enjoint ses partisans à « faire leurs propres recherches » en s’appuyant sur les pistes qu’il laisse. « C’est l’une des premières formes de complotisme participatif, pointe Tristan Mendès France. Q incite des hordes d’individus à trouver des signaux faibles dans l’actualité ou dans les gestes des politiques, notamment Trump, à la télévision. » Chacun se fait enquêteur et peut discuter sur des forums de ses intuitions et découvertes.

Labos pharmaceutiques, trafic d’enfants et 5G

Ses adeptes échafaudent ainsi sans cesse de nouvelles théories, ou reprennent des rumeurs qui circulent parfois depuis longtemps : le 11-Septembre n’aurait jamais eu lieu, les politiques comploteraient avec les laboratoires pharmaceutiques, Barack Obama serait musulman et Kim Jong-un de mèche avec la CIA, Londres cacherait en son sous-sol un trafic d’enfants…

Dans ce maelstrom, la défense des mineurs sert de catalyseur pour propager les théories QAnon. Sur les réseaux sociaux, des messages estampillés #Savethechildren (#Sauverlesenfants) assurent que des milliers d’enfants sont kidnappés chaque année aux Etats-Unis pour être livrés à d’influents prédateurs sexuels. Et l’actualité alimente la machine à fantasmes. Comme en 2019, le suicide de Jeffrey Epstein, milliardaire américain condamné pour délinquance sexuelle. Ou le développement de la 5G dont les répercussions sur la santé sont mal connues. Ou cet été, les feux qui ont embrasé la Californie. Ils seraient l’oeuvre des mouvements antifascistes, ces groupes de gauche dénoncés par Trump.

« Je ne dis pas que le pédo-satanisme existe », précise Daniel. Ce Québécois a fondé le site QAnonfr.com où il traduit et commente les drops. « Mais est-il vraiment inconcevable que de tels réseaux utilisent la pédophilie pour faire chanter des gens au pouvoir? L’affaire Epstein, c’est quoi, sinon une opération ultra-organisée de compromission? » avance-t-il.

L’élection américaine a suscité un pic de mobilisation. Nombre de vidéos circulent, qui trouveraient d’hypothétiques fraudes démocrates. Mais c’est surtout la crise du Covid-19 qui a accéléré la propagation de ces théories aux Etats-Unis et dans le monde. Les contradictions des gouvernements sur la marche à suivre face à la pandémie ont nourri la défiance vis-à-vis du pouvoir politique et fait le jeu du complotisme : le virus serait une création humaine sortie d’un laboratoire, un élément dans une vaste conspiration mondiale ou un prétexte pour permettre à Bill Gates d’implanter des puces dans des cobayes humains. Selon Marc-André Argentino, un doctorant de l’université Concordia, à Montréal, QAnon a enregistré une augmentation de 71 % de son contenu sur Twitter et de 651 % sur Facebook depuis mars, et s’est propagé en Europe, particulièrement en Allemagne.

Dénoncer ne suffit pas. Lassés d’attendre « Le Grand Réveil », des QAnon ont tenté de prendre les choses en main. Certains ont été impliqués dans des enlèvements d’enfants, qu’ils pensaient sauver. En mars 2019, un jeune homme a abattu un parrain supposé de la mafia qu’il soupçonnait d’appartenir au deep state. En avril dernier, une femme a été arrêtée alors qu’elle roulait, armée de couteaux, vers New York pour « se débarrasser d’Hillary Clinton et de Joe Biden »… Dans un rapport de mai 2019, le FBI a qualifié la mouvance de « potentielle menace terroriste intérieure » (NOTE 2, voir plus bas) et, le 2 octobre, la Chambre des représentants a approuvé une résolution qualifiant les théories QAnon d’« illusion collective », malgré l’opposition de plusieurs républicains.

Donald Trump relaie des messages de QAnon

Accusés d’avoir favorisé la diffusion des fake news en 2016, les géants du Net ont réagi. A plusieurs reprises cette année, Twitter, Facebook, Instagram et YouTube ont annoncé avoir supprimé des milliers de comptes et de contenus. Mais les soutiens de Q en recréent sans cesse, sous de nouveaux noms, codés, ou migrent vers d’autres moyens de communication, comme la messagerie Telegram. Rapides. Insaisissables. « Q pose des questions. En quoi cela relève-t-il de la conspiration ? proteste Daniel, de Qanonfr.com. Pourtant, des personnalités influentes ont décidé qu’il était une menace. Sur Internet, on trouve une dizaine de milliers d’articles contre lui. Si c’est une petite conspiration sans importance, pourquoi lui prêter autant d’attention ? »

Et le premier intéressé, Donald Trump, que pense-t-il de ces théories? « Je ne connais rien de QAnon, a-t-il esquivé lors d’un débat d’avant-élection. Je sais juste qu’ils sont très opposés à la pédophilie et qu’ils la combattent vigoureusement. Je suis d’accord avec cela, mais je ne sais rien d’autre. » Pourtant, sur Twitter, le président relaie régulièrement des messages QAnon, comme ce post assurant que seuls 6 % des morts attribuées au Covid aux Etats-Unis sont réellement dues à cette maladie. Ou cet autre affirmant qu’Obama a fait abattre une doublure de Ben Laden en 2011 et que ce dernier serait encore en vie (NOTE 3, voir plus bas). Au total, Trump a retweeté plus de 250 contenus QAnon à ses 87 millions d’abonnés. Cela fait de lui le premier propagateur de ces théories.

 

CORRECTIONS

 

  1. « Q » n’a jamais nommé Tom Hanks par nom, ni le Dalaï Lama. Pour Oprah Winfrey, il a fait une référence à une chose dont elle est célèbre pour (« You get a car! And you get a car!! And you get a car!!! »), mais sans la viser.
  2. Le FBI n’a jamais déclaré Qanon comme une menace terroriste. J’ai écrit à ce sujet ici.
  3. Concernant ceci: « Ou cet autre affirmant qu’Obama a fait abattre une doublure de Ben Laden en 2011 et que ce dernier serait encore en vie. » Il n’y a que deux posts qui parlent de Osama bin Laden (#118 & #154), et ils ne parlent pas du tout de ça.

 

 

Je trouve toujours ça drôle de voir Tristan Mendès France dans un article, lui qui se dit « maître de conférences associé à l’université de Paris » et collaborateur de « l’Observatoire du conspirationnisme. »

L’Observatoire du conspirationnisme… C’est la police de la pensée. Les brûleurs de livres. Ces gens sont comme les démocrates communistes radicaux qui disent qu’il faut tenir des listes à jours des « conspirateurs pro-Trump » pour leur faire payer plus tard.

7 Comments

  1. PIERRE BOURDON
    PIERRE BOURDON novembre 13, 2020

    Ils sont en panique ! c’est pathétique

  2. guy haillez
    guy haillez novembre 13, 2020

    il fallait faillais s y attendre les critique vont allez bon train sur Q

  3. Logo
    Logo novembre 14, 2020

    Énervé !!!! C’est un kiff ce qui arrive… je jubiiiiiiiile

  4. Sordoillet
    Sordoillet novembre 14, 2020

    Et Tristan Mendes France est apparenté à la famille Sicurel de Lrem le frére et la soeur tres proche De Macron Ces Sicurel sont arriere petits enfants de Pierre Mendes France il me semble

  5. Bernard
    Bernard novembre 14, 2020

    Belle pub pour qui ne connait pas encore Q! merci l’ami!

  6. Lietseu
    Lietseu novembre 16, 2020

    Le dormeur doit se réveiller ! (Dune)

  7. Josepf Vranken décembre 1, 2020

    Vive Trump et Vive Q

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